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vendredi 24 janvier 2014

Essai de reformulation de l'approche PSI

Avertissement
Le contenu de ce post est une réflexion en cours d'élaboration et ne saurait en aucun cas être considéré comme un parti pris. Cette réflexion sera complétée et approfondie bientôt.

Court rappel historique
La phytosociologie étudie la manière dont s'assemblent ou s'excluent les végétaux. Cette science s'est développée au cours du XXe siècle, depuis ses prémices avec la phytogéographie dès le début du XIXe (HUMBOLDT, 1807), sa théorisation de la fin du XIXe à la première moitié du XXe ([à compléter] BRAUN-BLANQUET 1964), jusqu'aux synthèses nationales actuelles (POTT 1995, RIVAS-MARTÍNEZ et al 2001, BARDAT 2004, FOUCAULT (de) 2008-2013 , JULVE 1998-2014, etc.).

Objet
Une de ses préoccupations fondamentales est de décrire la végétation, d'en distinguer les différentes unités et de classer celles-ci dans un ensemble cohérent : un synsystème, c'est à dire une classification (souvent hiérarchique) des groupements végétaux. Ce faisant la phytosociologie permet à ses différents utilisateurs de s'entendre sur les groupements végétaux considérés.

Approche : les formations végétales
La description de la végétation a commencé par l'observation et la description des formations végétales : "tout groupement présentant une physionomie homogène et constante due à la dominance, soit d'une ou de plusieurs espèces sociales, soit d'espèces ayant un caractère biologique commun." GRISEBACH (1880) in GUINOCHET (1973). Les forêts, landes, prairies, etc. sont quelques uns des grands types de formations généralement reconnues en Europe.

Échelle des relevés
Lors de la mise au point de la méthodologie phytosociologique, s'est posée la question fondamentale de délimiter les objets à observer, décrire et classer. On  a donc distingué les notions suivantes : formation, communauté, association, synusie (pour les définitions voir Guinochet - 1973). Chacune relève d'un niveau de complexité différent, c'est à dire d'un niveau d'intégration différent : les synusies composent des associations qui composent des communautés qui s'intègrent elles-même dans des formations.
Ces différentes unités n'ont pas forcément des limites tranchées, faciles à définir et c'est ce qui a conduit certains auteurs, notamment au sein des écoles anglo-saxones à rejeter la phytosociologie sigmatiste en faveur d'une théorie de continuum.

Homogénéité floristique
Afin de répondre à ce problème de la délimitation des relevés, on a retenu le critère de l'homogénéité floristique, plus précisément de l'homogénéité de la composition floristique, c'est à dire que la liste des espèces présentes dans la zone d'étude ne doit pas varier de manière significative d'un point à l'autre de celle-ci. Fait rarement précisé mais souvent implicite : la zone d'étude est classiquement entendue comme étant une portion horizontale de l'espace.

Et c'est là qu'apparaît la difficulté suivante. Puisqu'on parle de la liste des espèces composant le relevé, il faut se poser la question des limites taxonomiques. La phytosociologie pour objet d'étudier les associations végétales. Faut-il donc inclure dans un relevé, en plus des plantes à fleurs, les ptéridophytes, les bryophytes et les algues ? Que faire par ailleurs des lichens et des champignons ?

Discrimination taxonomique
Actuellement, les groupes composant les relevés phytosociologiques sont plus déterminés par la connaissance des observateur que par des approches méthodologiques répondant à des objectifs syntaxonomiques. Les botanistes relèvent habituellement les espèces de plantes à fleur et de ptéridophytes mais ignorent pour la plupart les bryophytes et les algues, sans parler des lichens et de la fonge. Or ce comportement est totalement arbitraire : c'est par méconnaissance de ces derniers groupes qu'ils sont généralement exclus des relevés, cela n'a donc aucun fondement méthodologique et ne peut que desservir les conclusions syntaxonomiques.

Des formes de vies différentes
Si bryophytes, algues et champignons sont autant dédaignés des botanistes lambda, c'est principalement du fait de difficultés d'identification. On peut en relever deux principales, la première étant en fait une conséquence de la seconde : uniformité apparente des espèces et échelle d'observation nécessitant souvent une approche microscopique.

Et si ces êtres sont si petits c'est qu'ils ont une écologie très différente des plantes dites "supérieures" (et n'ayant pas grand chose sinon rien à voir dans le cas des champignons).

En raccourcissant on peut donc conclure que l'homogénéité floristique n'est actuellement considérée - par défaut ! - que pour certaines formes de vie, à savoir les plus grosses (macroscopiques) parmi les végétaux.

On remarquera que cette difficulté d'identification aussi bien que les exigences écologiques ne sont pas corrélés à une appartenance à un groupe évolutif différent mais plutôt à la taille des individus des espèces concernées. Ainsi de nombreuses plantes à fleur de très petite taille sont-elles régulièrement ignorées par les botanistes les moins compétents.

Limites des communautés et facteurs écologiques
Avec ces réflexions en tête, reconsidérons le problème de la définition des limites des communautés végétales et donc de leur relevé. Concentrons nous sur la problématique des écotones : ces zones de transitions d'un milieu à l'autre : lisières forestières, berges des cours et plans d'eau. Ces exemples sont simples à observer et leurs caractéristiques sont conditionnées par des facteurs simples à interpréter : la lumière dans le cas des lisière, la présence de l'eau dans le cas des berges.
On se rend bien compte que les zones de transitions correspondent à des gradients écologiques. Or l'ensemble des gradients ne varie pas uniformément dans l'espace - même si certains sont corrélés, ils ne le sont pas tous : ainsi les différentes communautés végétales macrophytiques de part et d'autre d'une berge non boisée recevront autant de lumière les unes que les autres. Le facteur humidité suit un gradient alors que le facteur lumière est uniforme.

Facteurs écologiques et adaptations biologiques
Les espèces se répartissent dans l'espace totalement indépendamment du groupe taxonomique auquel elles appartiennent. Par contre elles sont soumises aux variations des facteurs écologiques. Leur sensibilité à ces facteurs n'est donc pas dépendante de leur appartenance taxonomique mais bien de leur forme biologique. Et d'ailleurs il est assez frappant de remarquer que de nombreuses familles, même assez souvent des genres, adoptent des formes biologiques diverses : phanérophytes, hémicryptophytes, thérophytes, etc. Or ces formes biologiques sont corrélés avec des caractéristiques morphologiques, physiologiques et anatomiques particulières.
Ce sont ces caractéristiques qui détermine la réponse des espèces aux variations des facteurs écologiques.

Forme du relevé classique
Le relevé est classiquement effectué sur une surface géographique définie, correspondant à un seul plan horizontal. Or les facteurs écologiques ne varient pas seulement horizontalement, ils le font aussi verticalement : présence de nutriments assimilables [niveau d'évolution du sol, action du lessivage], humidité [distance de la nappe, humidité atmosphérique], lumière [stratification de la végétation].

Gestion de la verticalité
La phytosociologie sigmatiste gère la verticalité de manière extrêmement simpliste en séparant ce plan en (généralement quatre) strates : arborescente, arbustive, herbacée, muscinale.
Cette approche pose cependant problème notamment en ce qui concerne les espèces présentes dans une strate mais ne répondant pas à son type biologique de définition. C'est le cas notamment des épiphytes (mousses, lichens, espèces parasites, plantes supérieures autotrophes en situation épiphyte) présentes dans la strate "arborescente" ou "arbustive" alors qu'elles sont souvent indépendantes de la composition phanérophytique. Le cas des lianes - présentes dans les diverses strates mais toujours enracinées dans le sol - est quelque peu différent.
La réponse classique à ces cas problématiques est l'exclusion pure et simple des éléments perturbateurs : ainsi ne sont pas relevées les plantes épiphytiques. Il en va de même pour les plantes épilithiques - qui poussent sur des rochers - lorsque ces derniers ne constituent pas le substrat principal.
En fait, le problème semble venir de la discrimination au support : pour un relevé classique, la condition préalable à l'inclusion dans la liste est que la plante considérée soit ancrée dans le substrat considéré, comme si celui-ci constituait la seule variable homogène capable de révéler à lui seul les exigences écologiques de toutes les espèces qu'il porte.

Contradictions
Il est remarquable de noter que la phytosociologie sigmatiste classique prétende définir et classer les communautés végétales mais s'arrange de bien des contradictions.
La première est de ne pas savoir gérer les mélanges taxonomiques. Elle relève les spermatophytes et les ptéridophytes ensemble mais exclue les bryophytes et les algues.
La seconde est de ne pas savoir gérer les variations écologiques verticales. Elle relève ensemble des phanérophytes et des thérophytes mais exclue les épiphytes, les saxicoles et les chasmophytes.
À chaque fois la seule raison observable pour ces contradiction est une préoccupation simplificatrice.
Simplification du travail de l'observateur dans le premier cas.
Simplification du travail du syntaxonomiste dans le second.

Solution ?
S'il semble difficile de résoudre le problème des connaissances bryologiques et fongiques des observateurs par un changement méthodologique, une réponse a déjà été proposée pour prendre en compte les problèmes de syntaxonomie posés par l'entremêlement spatial des espèces appartenant à des groupes biologiques différents.

Il convient, au lieu de considérer contre toute évidence que la couverture végétale serait homogène dans le plan horizontal et se répartirait uniquement dans celui-ci, d'accepter son hétérogénéité :
- les communautés épiphytiques se mélangent aux communautés phanérophytiques et chamaephytiques - les communautés "herbacées" font de même,
- les communautés de petites plantes aquatiques flottantes se mélangent aux communautés d'hélophytes,
- dans les prairies les communautés vivaces se mélangent aux communautés annuelles,

Toutes ces communautés sont indépendantes les unes des autres et peuvent donc se mélanger à volonté au gré des opportunités ou bien apparaître séparément (notez qu'on l'on écrit "séparément" et non pas "de manière isolée").

Proposition méthodologique
Face à ce constat, il importe, lorsqu'on se trouve en un point donné de faire la liste de toutes les espèces présentes (sans discrimination taxonomique dans la mesure du possible).
Ensuite il faut se demander pour chacune d'entre elles :
- quel est le ou les facteur(s) écologique(s) dominant sa répartition (horizontale ET verticale),
en s'appuyant sur :
- ses traits biologiques,
et en considérant
- son espace vital, et
- les espèces en compétition pour une même ressource dans ce même espace.
On distinguera ainsi des groupes de concurrence, c'est au sein de ceux-ci qu'il faudra rechercher l'homogénéité floristique.
On relèvera toutes les espèces dans ce groupe de concurrence sans préoccupation de strates : celles-ci peuvent servir de point de départ pour l'identification des premiers. On pourrait être amené à les individualiser pour certains groupes, mais une telle approche ne devrait pas constituer un postulat de départ.
Les groupes de concurrences peuvent avoir des dimensions et des répartitions spatiales différentes : ils ne se superposent donc pas parfaitement mais au contraire se recouvrent partiellement et se chevauchent (aussi bien horizontalement que verticalement).
Il s'agit donc de faire plusieurs relevés séparés : un pour chaque groupe de concurrence.

Note : Cette notion de groupe de concurrence est inspirée du concept de "strates". Cependant ce dernier ne fait que reproduire l'approche horizontale cloisonnée dans des étages différents. Au contraire les groupes de concurrence peuvent s'envisager dans un espace à trois dimensions.

De la finalité de la phytosociologie
L'étude des communautés végétales a pour objectif une meilleure compréhension des milieux naturels. Les applications principales de cette science se trouvent dans la définition des habitats naturels, notion qui fait le lien entre la végétation et les communautés animales à travers leurs interrelations. L'intérêt de cette science - à part l'éclairage qu'elle apporte en écologie - réside donc principalement dans la gestion des milieux (conservation et restauration des espaces naturels, aménagement de l'espace et urbanisme, sylviculture, agriculture, ...). Dans tous ces cas de figure, la phytosociologie sert de base à l'appréhension spatiale des milieux. Or, malgré tous les progrès de la géomatique, et du fait de l'échelle de travail acceptable pour les activités précités, il importe de pouvoir représenter la variation des communautés végétales sur le seul plan horizontal.

De l'intégration des synusies
Afin de répondre à cette demande de représentation horizontale, il importe de représenter plusieurs couches entremêlées et se superposant : chaque couche représente un groupe de concurrence distinguant diverses synusies. C'est la superposition de ces couches qui donne la composition totale de la végétation en un point donné : somme des synusies rencontrées en ce lieu.


Bibliographie

BARDAT, J. et al., 2004. Prodrome des végétations de France. Coll. Patrimoine naturel 61, MNHN, Paris. 171p.

FOUCAULT (de), et al., 2008-2013. Contributions au prodrome des végétations de France. Journal de Botanique

GILLET, F., 2000. La phytosociologie synusiale intégrée - Guide méthodologique. Documents du Laboratoire d'Écologie Végétale - Université de Neuchâtel.

GUINOCHET, M., 1973. Phytosociologie. Ed. Masson & Cie., Paris. 227 p.

HUMBOLDT (von), A., 1807. Essai sur la géographie des plantes , accompagné d'un tableau physique des régions équinoxiales, fondé sur des mesures exécutées depuis le 10e degré de latitude boréale jusqu'au 10e degré de latitude australe, pendant les années 1799, 1800, 1801, 1802 et 1803.

JULVE, Ph., 1998-2014. Catalogue des Milieux Naturels. Programme personnel

POTT, R., 1995. Die Pflanzengesellschaften Deutschlands. 2., verbesserte Auflage. Ulmer Verlag

RIVAS-MARTÍNEZ et al, 2001. Sintaxonomical checklist of vascular plant communities of Spain and Portugal to association level. Itinera Geobotanica, 14

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